L’apport de la simulation numérique de l’éclairage pour l’analyse des ombres projetées en peinture.

Une application sur la Dibutade de Joseph Benoît Suvée (1791)

Sophie Raux, Christophe Renaud, François Rousselle et Samuel Delepoulle

revue Perspective 2023, Vol 1 Obscurités, 22 juin 2023

https://doi.org/10.4000/perspective.29536

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Obéissant aux lois de la physique et de l’optique, les ombres projetées posent des problèmes complexes de géométrie aux peintres qui doivent les représenter sur une surface distincte de celle qui cause l’obstruction de la lumière. Elles défient également l’œil de l’observateur, sa capacité à détecter la cohérence des ombres ou leurs écarts par rapport à la réalité physique. Loin d’être simples, ces questions ont suscité, ces vingt dernières années, des travaux mobilisant les technologies numériques de simulation d’éclairage appliqués à la recherche en histoire de l’art. La présente contribution s’inscrit dans cette approche interdisciplinaire et rend compte des premiers résultats d’un travail exploratoire en cours, mené en étroite collaboration entre chercheurs en histoire de l’art et en sciences informatiques. Elle vise à explorer l’apport de ces technologies pour l’analyse de l’ombre projetée, selon une double perspective :

  • La première interroge la représentation plastique des ombres projetées : leur projection perspective, leur morphologie, leur netteté, leur intensité sont-elles cohérentes par rapport à la réalité physique et optique du phénomène dont elles sont censées rendre compte ? Comment prendre la mesure de ce qui est conforme à l’expérience sensible ou de ce qui relève de la manipulation à des fins expressives ou symboliques ?
  • La seconde perspective relève de la fabrique matérielle de l’ombre : que peut-on déduire de l’analyse des jeux d’ombres et de lumières en ce qui concerne le processus de création, le travail d’atelier et, en particulier, les difficultés techniques de la mise en place de l’ombre projetée ?

Nos réflexions prennent appui sur l’étude d’un tableau particulièrement emblématique de la double perspective annoncée, la version de Joseph Benoît Suvée (Bruges, 1743 – Rome, 1807) de la légende de Dibutade, scène nocturne qui prend pour objet central l’ombre projetée dans ses dimensions à la fois techniques et symboliques.